Le transhumanisme
L’homme a toujours eu le fantasme de l’immortalité et de la jeunesse permanente. La souffrance et la maladie ont aussi été des moments que l’homme a voulu faire disparaître.
Le transhumanisme reprendra tous ces fantasmes pour les incorporer à son programme. Mais ce courant va beaucoup plus loin car il veut réaliser ce qu’on appellera un « homme augmenté ».
Déjà la chirurgie esthétique veut améliorer ce que la nature avait décidé ou imposé. Les hommes ont utilisé les dopants pour améliorer leurs performances physiques, sexuelles ou intellectuelles.
Sartre a écrit son œuvre en s’aidant de dopants comme de nombreux artistes ou écrivains.
L’utilisation de prothèses a aussi permis l’amélioration des performances sportives. Pistorius a couru plus vite que d’autres sportifs avec leurs jambes « naturelles ».
Jusqu’à maintenant l’évolution humaine s’est faite indépendamment de la volonté des hommes. L’homme aujourd’hui peut influencer son évolution, en être maître, sortir un peu plus du singe en quelque sorte ou de l’animalité.
Beaucoup de régimes politiques ont voulu améliorer la « race » ou l’espèce humaine, du nazisme jusqu’à la social-démocratie suédoise qui ont pratiqué l’eugénisme en favorisant les « meilleurs » et parfois en éliminant aussi. Mais l’eugénisme était encore fondé sur une base « naturelle ». Le transhumanisme veut améliorer les hommes en utilisant la technique et la science pour ceux qui dans un premier temps auront les moyens financiers.
L’immortalité
Il s’agit dans un premier temps d’augmenter l’espérance de vie. Les hommes ont toujours été conditionnés par notre fïnitude et particulièrement les poètes ou » le thème du vieillissement, du temps qui passe est omniprésent. «L’homme est un être-pour-la-mort» (Heidegger). Il s’agit maintenant de sortir de cette mort inéluctable et du vieillissement.
« Personne ne veut mourir, à moins de beaucoup souffrir, sur le plan physique ou émotionnel. Je ne pense pas que la mort donne un sens à la vie sous prétexte qu’elle rend plus précieux le temps dont nous disposons. La vérité, c ‘est que la mort est une prédatrice qui vide la vie de son sens. Elle détruit le savoir, les compétences et les relations humaines. Nous nous sommes construits une belle image de la mort car nous n’avons pas d’autre choix. En réalité, nous la vivons comme une tragédie, et c ‘est d’après moi la bonne réaction. Ce qui donne un sens à notre vie, c ‘est ce que nous en faisons » (Ray Kurzweil).
Les religions ont existé pour nous consoler de la mort et donner des réponses à l’inéluctable.
Pour lutter contre le vieillissement, il faudra agir sur le génome humain. Le vieillissement démarre vers 18-20 ans.
L’allongement significatif de l’espérance de vie posera à l’humanité des défis à la fois économiques, psychologiques, philosophiques et éthiques.
L’homme augmenté
L’homme a augmenté ses facultés par l’outil, ensuite par les machines et les ordinateurs. Ces ajouts étaient externes à lui. L’homme hybride sera mi biologique, mi mécanique. Déjà les membres des individus amputés ont été remplacés par des jambes ou des bras technologiques. On pourra aussi intégrer des nanomachines dans le corps humain, qui corrigent les failles génétiques. Le cerveau humain a ses limites. Déjà les ordinateurs, les calculatrices, sont des prothèses de notre cerveau. Des nanorobots pourront être incorporés dans celui-ci.
Le cerveau
Pour Pascal, l’homme n’était rien ou misérable. Pourtant, le cerveau humain représente le summum de la complexité qui puisse exister dans l’univers. Notre cerveau est infiniment plus complexe que le soleil ou une galaxie. Nous possédons cent milliards de neurones qui peuvent être connectés entre eux. Si l’intelligence peut être définie par le degré de complexité, l’homme peut avoir une raison d’autosatisfaction. Le cerveau représente notre être, notre moi, notre psyché, notre âme pour ceux qui ont la fibre religieuse. Y toucher peut à juste titre faire peur comme le propose le transhumanisme. « L’âme et l’activité cérébrale sont une seule et même chose » (Forel).
On peut introduire un implant dans le cerveau, une prosthèse (élément ajouté).
Si l’on substitue à des parties de notre corps des éléments électroniques, on passe de l’homo sapiens à par exemple un « cyborg ».
Conclusion
Toute nouveauté ou transition technologique fait peur. L’homme a eu peur de la télévision, des machines, des ordinateurs. On assiste à une remise en question de la définition de l’homme par la théorie du genre, les nouvelles possibilités sur la procréation. Notre corps ingurgite de plus en plus de nouveaux éléments (aliments, boissons qui n’existaient pas, médicaments, etc.). La chirurgie installe dans notre corps des éléments artificiels pour palier ceux qui sont déficients. Les amputés d’accidents ou de la guerre bénéficient de prothèses de plus en plus sophistiquées. Pour des malades atteints de la maladie de Parkinson, on introduit dans le cerveau des éléments artificiels.
Le transhumanisme critiqué par certains philosophes existe déjà. Sur le plan éthique ou moral, le plus grand danger viendra lorsque l’on interviendra sur notre cerveau. Nous deviendrons « un autre ».
Patrice GROS-SUAUDEAU
Ce que Mélenchon ne comprend pas.
Cela fait toujours un peu bizarre d’entendre Mélenchon expliquer le visage tordu par la haine que le vote Front National est un vote de haine. Il ne peut pas comprendre avec sa grille de lecture éculée que la plupart des électeurs du Front National votent par amour de la France, ce qui procède une part d’exclusivité. S’il avait au fond de lui cet amour charnel, il n’aurait sans doute pas fait une dépression le soir des élections européennes.
Enfin ne parlons pas que de Mélenchon qui a l’air de se retirer.
Un jeu de mots très connu voulait démontrer que Syrius est mon frère.
« Syrus, s’il est russe c’est qu’il est slave, s’il se lave c’est qu’il se nettoie et si ce n’est toi c’est donc ton frère ».
Patrick Devedjian a fait un raisonnement du même genre.
Patriotisme économique égale nationalisme économique égale racisme. il serait temps que Devedjian prenne sa retraite ou aille se coucher. L’indépendance énergétique par exemple a sa rationalité si l’on observe par exemple la Russie qui peut couper le robinet du gaz à tout moment. Il en est de même pour les secteurs stratégiques. Faire l’amalgame entre patriotisme économique, nationalisme et racisme est d’une imbécilité absolue ou cela traduit-il les complexes de Devedjian. Qu’un député, un des leaders de l’UMP, ancien ministre puisse avoir ce discours montre un peu plus la déliquescence intellectuelle de l’UMP et de la classe politique en général.
En 1992, Devedjian après le non des Danois au référendum de Maastricht avait déclaré que le Danemark ne valait pas grand chose sur le plan culturel et n’avait produit que les contes d’Andersen.
Rappelons que le plus grand physicien de la mécanique quantique fut le Danois Niels Bohr. Le philosophe Kierkegaard fut le père d’un courant philosophique majeur du XXe siècle : l’existentialisme qui inspira Heidegger, Sartre… Le Danemark a produit de nombreux chimistes et une littérature danoise qu’évidemment Devedjian ne connaît pas. Finissons par souligner que ce petit pays de cinq millions d’habitants a eu 13 prix Nobel (57 pour la France, 0 pour l’Arménie) Patrick Devedjian qui voulait nous dire que les Danois étaient des nuls car ils ne pensaient pas comme lui sur l’Europe, a surtout démontré son inculture.
Restons à l’UMP, l’insipide Juppé a déclaré quant à lui au soir des élections européennes qu’il ne comprenait pas les Français. Lorsqu’on ne comprend pas les motivations politiques de ses concitoyens il ne vaut mieux pas faire de politique. Son européocentrisme fanatique ne pourra que créer un rejet de la part de l’électorat même si son côté lisse, insipide peut plaire à une partie de la France des retraités.
Patrice Gros-Suaudeau
L’animal
Depuis Aristote et le christianisme, notre société n’a fait que rabaisser, exclure l’animal de la communauté des hommes. Et pourtant, cela ne l’a pas empêché de le faire travailler, le faire participer à la guerre, s’en servir comme compagnon de jeu ou de solitude, de l’utiliser pour sa sécurité, tout cela pour finir parfois comme nourriture pour l’homme. Ce mépris ou sentiment de supériorité a été ambivalent car l’homme a toujours en même temps ressenti sa proximité avec l’animal.
L’animal inférieur à l’homme
Pour Aristote, l’homme est un animal qui parle, donc doué de raison ce qui sous-entend que l’animal n’a pas de raison. L’animal ne pense pas. Le christianisme aggravera cette déchéance puisqu’il n’accordera pas d’âme à l’animal. Dans le christianisme, il y a une coupure totale entre l’homme et l’animal. L’homme a été créé à l’image de Dieu. La zoophilie devient péché mortel et même un crime contre-nature.
Plus philosophiquement, Descartes comparera l’animal à une machine (ce qu’on peut interpréter comme la vision du mécanisme s’opposant au vitalisme). Les animaux n’ont pas de pensée car ils n’ont pas de langage. L’animal n’est donc qu’un corps.
Pour reprendre l’expression de Pascal, ce n’est pas un « roseau pensant ».
Malebranche extrémisera cette vision : « Les bêtes mangent sans plaisir, crient sans douleur, croissent sans le savoir, elles ne désirent rien, elles ne craignent rien, elles ne connaissent rien ».
La Mettrie inversera cette pensée pour l’appliquer à l’homme. Il n’y a pas de différence entre l’homme et l’animal si ce n’est un degré supérieur de perfection.
Rousseau ne situera pas la différence sur la pensée mais pour lui, l’homme est libre à la différence de l’animal qui obéit à la nature.
L’homme et l’animal ont souvent été comparés dans leurs aptitudes. Si de nombreux animaux sont supérieurs à l’homme dans un ou plusieurs domaines (vitesse, instinct, force, combat, faculté de voler chez les oiseaux, …) l’homme est multifonctionnel. Son potentiel physique (celui du singe) lui permet de pratiquement tout faire. Il suffit de regarder la gymnastique aux Jeux Olympiques. Son intelligence lui a même permis de voler et de voyager sous l’eau.
Condillac a publié « Le Traité des Animaux » (1755). Il s’oppose à Descartes. L’animal peut juger, penser, avoir de la mémoire … L’homme a pu dépasser l’animal grâce au langage. Il y a donc continuité entre l’homme et l’animal, idée que l’on retrouvera dans la théorie de l’évolution. On n’oppose plus l’homme à l’animal. On accorde à l’animal le fait de souffrir.
L’anthropologue Claude Lévi-Strauss défendra fortement la cause animale. Semblable à Rousseau, il fait l’éloge de la pitié vis-à-vis de tout ce qui est vivant. Les animaux sont des êtres sensibles.
« Jamais mieux qu’au terme des quatre derniers siècles de son histoire, l’homme occidental ne put-il comprendre qu’en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité en accordant à l’une tout ce qu’il retirait à l’autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter les hommes d’autres hommes, et à revendiquer, au profit des minorités toujours plus restreintes, le privilège d’un humanisme, corrompu aussitôt né, pour avoir emprunté à l’amour-propre son principe et sa notion » (Lévi-Strauss)
Plus globalement, Lévi-Strauss critique la séparation entre l’homme et la nature.
« En isolant l’homme du reste de la création, en définissant trop étroitement les limites qui l’en séparent, l’humanisme occidental hérité de l’Antiquité et de la Renaissance l’a privé d’un glacis protecteur ». (Lévi-Strauss)
L’anthropologue a été considéré comme un antihumaniste. L’humanisme occidental est selon lui une synthèse du christianisme (unité du genre humain) et de la pensée de Descartes (l’homme maître et possesseur de la nature).
« Toutes les tragédies que nous avons vécues, d’abord le colonialisme, puis avec le fascisme, enfin les camps d’extermination, cela s’inscrit non en opposition ou en contradiction avec le prétendu humanisme sous la forme où nous le pratiquons depuis plusieurs siècles, mais, disais-je, presque dans son prolongement naturel ». Cet anti-cartésianisme rappelle Heidegger.
Différences homme-animal
Si l’on récapitule les différences les plus manifestes entre l’homme et l’animal, il y a tout d’abord le langage qui n’est pas du même ordre de complexité et de plasticité chez l’homme.
Il y a aussi la conscience : « Ce qui élève l’homme par rapport à l’animal, c’est la conscience qu ‘il a d’être animal. Du fait qu ‘il sait qu ‘il est un animal, il cesse de l’être ». (Hegel)
Si l’instinct est un atout et une force, il n’a pas la vertu créative de l’intelligence. Il ne fait que répéter. L’homme a une histoire, alors que les sociétés animales ne font que se répéter, du moins à notre échelle.
La politisation de l’éthologie
En observant le monde animal, l’homme n’a pu s’empêcher d’en tirer des conclusions pour lui-même.
Dans le film « Mon oncle d’Amérique », Laborit veut montrer que face à une agression, l’homme (ou l’animal) n’avait que deux choix : le combat ou la fuite. S’il ne peut faire l’un des deux, il subit l’inhibition. Il s’est appuyé sur des études avec l’animal. Le réflexe conditionné du chien chez Pavlov peut s’appliquer à l’homme. L’Autrichien Konrad Lorenz observa pendant de longues années les animaux pour y découvrir l’agressivité innée. Les hommes vont voir chez les animaux ce qu’ils veulent y trouver. Gide, pour justifier son orientation homosexuelle, répertoriait les cas d’homosexualité chez les animaux.
On a souvent dit que les animaux ne tuaient que pour se nourrir, ce qui est faux. Chez les animaux existent la monogamie ou la polygamie, la fidélité ou le vagabondage.
La somme la plus accomplie sur l’application du monde animal à l’homme fut la sociobiologie. Elle fut accusée d’être raciste, sexiste, fasciste … Demande-t-on à une théorie qui se veut « scientifique » d’être humaniste ? Le clivage entre les humanistes et les antihumanistes sur cette théorie fut parfois violent et pouvait détruire une carrière. On retrouvait toutes les vieilles questions entre l’inné et l’acquis, l’hérédité de l’intelligence, la justification de la hiérarchie. La sociobiologie voulait même expliquer des comportements comme le racisme, le sexisme, la xénophobie au-delà des jugements moraux.
La grande critique vis-à-vis de la sociobiologie fut qu’elle niait ou minimisait le fait culturel. Il faut reconnaître que le débat sur ce courant de pensée fut viscéral dans les deux camps.
Au sentiment de supériorité de l’homme vis-à-vis de l’animal a succédé une inflation d’amour envers lui de la part de certains. Cela s’est accompagné parfois de misanthropie comme chez Schopenhauer qui disait mieux aimer son chien que Spinoza. On a créé les droits de l’animal. Chaque être vivant a le droit de vivre. Des hommes ont été condamnés pour cruauté envers les animaux. Obligera-t-on les hommes à devenir végétariens et cela les rendra-t-il meilleurs ? (Hitler aimait les animaux et était végétarien).
Patrice GROS-SUAUDEAU
Journal politique de P.G.S
L’académicien Jean-Marie Rouart avait écrit dans un élan humaniste que les fellaghas durant la guerre d’Algérie avaient un visage de sémite semblable à celui du Christ.
A-t-il encore vu dans les traits de Medhi Nemmouch, le tueur de Bruxelles, le visage du Christ ?
La guerre en Irak où les islamistes sunnites semblent prendre le dessus montre l’effet contreproductif des interventions militaires des États-unis ou de l’O.T.A.N. On se demande bien pourquoi Sarkozy a voulu à tout prix que la France réintègre cet organisme si ce n’est par américanophilie maladive. Les interventions comme en Libye n’ont servi à rien si ce n’est renforcer l’Islam radical.
Il y a plus de vingt ans,HarlemDésir nous expliquait qu’il ne fallait pas avoir peur de l’immigration musulmane en France car on avait affaire essentiellement à des Sunnites et non à des Chiites comme en Iran. L’islamisme radical sunnite comme en Irak actuellement dévoile une fois de plus la stupidité de tels propos.
Quant à la France, la droite U.M.P s’écroule et c’est tant mieux. Soit elle se recentre avec Juppé ou Fillon et elle sera en concurrence avec l’U.D.I-MODEM pour obtenir les suffrages d’un électorat européo-centriste qui pèse de moins en moins lourd. Soit Sarkozy revient, mais son discours droitier prendra moins et il n’aura plus l’attrait de la nouveauté comme en 2007.
On peut aussi se poser la question si la vente à la découpe de la France au Qatar (PSG, Printemps, Hotel de luxe …. ) n’a pas eu comme contrepartie des financements au bénéfice du pouvoir en place.
Pour revenir aux Européennes, on a assisté en plus de la victoire du F.N à la victoire des partis eurosceptiques. Les partis classiques comme l’UMP ou le PS évitaient soigneusement d’avoir un discours européistes qui n’est guère vendeur. Le seul parti clairement européiste était l’UDI et cela pèse moins de 10% !
L’Union européenne ne suscite que l’indifférence, l’ennui ou l’hostilité.
Patrice Gros-Suaudeau.
Spinoza
Spinoza fut avant tout un solitaire. Juif exclu de sa communauté, il ne devint pas chrétien pour autant. Cependant, son œuvre appartient totalement à la philosophie occidentale puisqu’il est dans le prolongement de la pensée platonicienne à la recherche de « La Vérité » et en identifiant le vrai et le bien. Ayant été nourri au cartésianisme, en restant un rationaliste et même en faisant l’apologie de la raison, il s’en distingue sur certains points. À la différence du Français, il a mis en place une doctrine morale et politique influencée par la société dans laquelle il vivait, c’est-à-dire la Hollande du XVIIeme siècle. Dans ce pays existait une cohabitation de religions différentes. Il n’y avait pas de religion officielle, si ce n’est dans les faits celle de l’argent et du commerce. À la différence de Pascal son contemporain, sa philosophie célébrera la joie.
L’Ethique
C’est le livre le plus important de Spinoza. Le livre est divisé en cinq parties.
La première partie concerne Dieu. Celui-ci est substance qui est constituée par les attributs (propriétés perçues par l’entendement). Dieu est infini.
« Tout ce qui est est en Dieu et rien ne peut sans Dieu être ni être conçu ». Dieu s’identifie à la Nature. « Deus sive Natura ». C’est-à-dire que Dieu est la Nature qui crée et tout ce qui existe vient de lui. « Natura naturans et natura naturata ».
D’une façon similaire à Platon qui distingua la doxa et l’épistémè ou plus tard Hegel qui distinguera plusieurs étapes de la connaissance, Spinoza distingue trois sortes de connaissance :
- l’opinion par ouï-dire ou l’imagination, qui engendrent des idées confuses,
- la raison qui opère de façon déductive,
- la science intuitive qui connaît à partir de l’idée de Dieu.
Dans la troisième partie de l’Ethique, Spinoza traite des affects de façon iconoclaste comme le désir, la joie et la tristesse …
La conception du bien et du mal qui accroit ou diminue la puissance inspirera Nietzsche.
La liberté consiste dans la connaissance de la nécessité. Connaître nous libère des affects. L’activité de l’homme doit donc être la connaissance vraie et même la connaissance de Dieu.
La morale, la politique
Rationaliste, Spinoza le sera aussi dans sa conception de la morale et de la politique. La conception du désir par exemple se différencie de Platon pour qui le désir était un manque. « Le désir est l’essence même de l’homme, en tant qu ‘on la conçoit comme déterminée, par la suite d’une quelconque affectation d’elle-même, à faire quelque chose ». (Ethique)
Nous désirons ce que nous sommes. Le désir nous réalise. Cette conception spinoziste s’oppose aussi à la vision chrétienne pour qui le désir était péché.
Le désir chez Spinoza devient puissance.
La liberté sera aussi réinterprétée d’une façon différente de Descartes. Chez le Français, l’âme était le siège d’une volonté, le « libre-arbitre ». Pour Spinoza, il n’y a là qu’illusion.
Les hommes ignorent les causes qui les déterminent à agir. « Les hommes se trompent en ce qu ‘ils se pensent libres, opinion qui consiste seulement en ceci, qu ‘ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent. Donc cette idée qu ‘ils ont de leur liberté
vient de ce qu ‘ils ne connaissent aucune cause de leurs actions. Car ce qu ‘ils disent, que les actions humaines dépendent de leur volonté, ce sont des mots dont ils n ‘ont aucune idée ». (Ethique)
Lorsque les hommes sont indécis, c’est que des forces contraires les font hésiter.
La conception spinoziste sur le mal influencera en partie Nietzsche. Aucune chose n’est mauvaise en soi. Elle sera interprétée comme mauvaise car elle nuira ou détruira une autre.
De même, le bien est relatif ou subjectif. « La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour le désespéré et ni bonne ni mauvaise pour le sourd ».
Comme le disaient déjà Socrate et Platon, le mal est lié à notre ignorance. L’ignorant peut croire au bien et au mal. « La connaissance du mal est une connaissance inadéquate ». (Ethique).
Quant au mal absolu, la mort, Spinoza a une position similaire à celle que prendra Sartre. Philosopher ne consiste pas à méditer sur la mort. « L’homme libre ne pense à rien moins qu ‘à la mort, et la sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ». (Ethique).
À la différence de Descartes, très prudent sur les questions politiques, Spinoza défendra la liberté et le refus de la tyrannie. Il prône la communauté des hommes libres : l’Etat doit organiser la sécurité et la liberté des individus. « La fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition des êtres responsables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre ». (Traité théologico-politique).
« L’homme est un Dieu pour l’homme ». Les hommes doivent vivre sous la conduite de la raison.
On retrouve aussi chez Spinoza des idées qui seront reprises par les économistes classiques anglais. L’égoïsme de chacun est utile pour tous. « C’est quand chaque homme recherche au plus haut point ce qui lui est utile que les hommes sont le plus utiles les uns aux autres ». On rejoint à la fois à la fois le libéralisme et l’individualisme.
De la même façon, plus on est joyeux, plus on transmet sa joie aux autres.
Le philosophe prône donc la joie opposée à la tristesse qui ne nous apprend rien, et l’amour face à la haine.
Une autre façon d’unir les hommes est la recherche de la Vérité puisqu’elle est commune à tous les hommes, à la différence des opinions qui les divisent.
Spinoza condamnait l’Utopie, mais il y avait dans sa doctrine une « croyance » en la Raison.
Pour lui, connaître ses passions permet de les maîtriser. Fidèle à la tradition philosophique, la connaissance libère l’homme et lui fait acquérir la sagesse.
Patrice GROS-SUAUDEAU
La pensée de Pascal
Pascal a toujours pensé entre deux extrêmes. Sa philosophie se trouve aussi entre un prolongement de la philosophie médiévale où s’entremêlaient religion et philosophie, ainsi que le dilemme foi-raison, et l’anticipation d’une pensée moderne avec sa critique de la raison.
Les anti-Lumières sont venus après les Lumières et pourtant Pascal pourrait être considéré comme un anti-Lumières avant l’heure avec non seulement sa vision aigüe des limites de la raison, mais aussi sa défense de la coutume et surtout de la religion chrétienne. Pour lui, la foi prime la raison.
Il a été avant tout un apologiste de la foi chrétienne. Et comme tous les croyants, il a utilisé tous les moyens pour la faire partager comme le fameux pari de Pascal pour convaincre les esprits forts. Il a été aussi un anti-cartésien puisque le cœur est au-dessus de la raison. « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». « Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur ». (Pensées)
Pour Russel, Pascal a gâché son génie mathématique. Il est vrai que sa fièvre mystique est difficile à comprendre pour un esprit « rationnel ». Il faut peut-être l’expliquer par un corps malade qui a connu la souffrance comme un état second. Pascal s’est aussi imposé la mortification (il a porté une ceinture de cuir avec des clous). Il a pratiqué avec beaucoup de complaisance la haine de soi tout en se sachant grand, la jouissance à se sentir rien ou misérable. L’homme est un néant entre deux infinis, mais il avait conscience que sa grandeur résidait dans le fait qu’il était le seul vivant à penser. « L’homme est un roseau pensant ».
Le jansénisme
Pascal est devenu janséniste. Il faut donc expliquer cette doctrine. Ce courant se situe entre la théologie et la philosophie. Il vient du théologien hollandais Jansenius (XVIIeme siècle), qui veut revenir à Saint Augustin. La grâce n’est pas donnée à tous les hommes, idée qui s’oppose au libre-arbitre défendu par l’Eglise. Evidemment, cette interprétation janséniste sent le souffre protestant. Pascal s’attaquera aux Jésuites qui défendent la thèse officielle et sont donc du côté du Roi et du Pape. À travers cette querelle, l’augustinisme imprègne à nouveau la pensée philosophique et religieuse.
Le jansénisme prône un rigorisme et s’oppose à une société qui veut être maîtresse de son destin comme le prône le cartésianisme.
La raison est synonyme d’orgueil.
La casuistique
La casuistique est l’étude des cas de conscience. On cherche à appliquer à des cas particuliers les règles générales de la morale chrétienne. Ceci revient aux confesseurs. La plupart des casuistes étaient jésuites et minimisaient les fautes commises en trouvant une explication favorable à celui qui voulait se faire pardonner. Evidemment, cela ne pouvait que s’opposer au rigorisme janséniste.
Pascal va attaquer les casuistes et les jésuites. Ces derniers confessaient les souverains et les puissants et pour ne pas les rejeter hors de l’Eglise, ils trouvaient des accommodements avec la morale.
Le genre d’argument utilisé pour masquer un mensonge était « On peut jurer qu’on n’a pas fait une chose, quoiqu’on l’ait faite effectivement, en entendant soi-même qu’on ne l’a pas faite un certain jour, ou avant qu’on fut né… sans que les paroles dont on se sert aient aucun sens qui le puisse faire connaître »
L’esprit de finesse et l’esprit de géométrie
L’esprit de finesse chez Pascal est l’intuition. L’esprit de géométrie est celui qui raisonne. Alors que Bergson donnera plus d’importance à l’intuition qu’à la raison, pour Pascal l’esprit de finesse et l’esprit de géométrie sont les deux moyens d’accéder à la vérité. Les hommes la plupart du temps possèdent l’un ou l’autre à des degrés divers ou ni l’un ni l’autre. Les génies possèdent les deux de façon très développée.
« Tous les géomètres seraient donc fins s’ils avaient la vue bonne, car ils ne raisonnent pas faux sur les principes qu’ils connaissent ; et les esprits fins seraient géomètres s’ils pouvaient plier leur vue vers les principes inaccoutumés de géométrie. ».
Le cœur pour Pascal est aussi une intelligence intuitive.
Le divertissement
L’homme veut oublier qu’il est face au néant. Il doit donc s’abandonner dans le divertissement. Avec d’autres mots, Heidegger dira aussi que l’homme est inauthentique pour ne pas penser qu’il est un être-pour-la-mort.
« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent, il sentira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir ».
Il faut s’étourdir de peur d’avoir à penser, ce que dira aussi Baudelaire dans son poème « Enivrez-vous ». L’homme ne veut pas découvrit son néant.
« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement et cependant c ‘est la plus grande de nos misères ». (Pensée 411).
Le pari de Pascal
C’est un argument qui peut choquer certains chrétiens mais Pascal cherchait à convaincre les esprits forts. On peut difficilement considérer un calcul d’épicier pareil comme relevant de la foi. Ce pari est le calcul d’une espérance mathématique. Pascal a été avec Fermât le créateur de la théorie des probabilités.
Si je parie que Dieu existe et qu’il existe je gagne tout, c’est-à-dire la félicité éternelle. Si je parie que Dieu existe et qu’il n’existe pas, je n’ai perdu qu’une existence finie.
Dans l’autre cas, si je parie que Dieu n’existe pas et qu’il existe, je perds mon salut, la félicité éternelle. Si je parie qu’il n’existe pas et qu’il n’existe pas, je n’ai gagné qu’une existence finie.
On a donc tout intérêt à parier sur l’existence de Dieu.
Cet argument se veut donc rationnel, mais Pascal savait parfaitement que la foi n’est pas affaire de raison. Il s’adressait aux hommes qui calculent.
Foi et raison
On ne peut pas dire qu’il y a eu un conflit chez Pascal entre la foi et la raison. Il y a une humiliation de la raison par la foi. La raison n’est qu’une chimère. L’homme veut croire qu’il est maître de lui-même. Il doit se soumettre à Dieu.
Chez Descartes, il y avait un optimisme de la nature humaine alors que Pascal ne voit qu’un homme misérable et dépendant par rapport à Dieu. Le pessimisme chrétien (l’homme est pêcheur) est poussé au paroxysme chez-Pascal.
« Il ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi ». « Le moi est haïssable ».
Les Pensées
Ce livre devait se nommer « Apologie de la religion chrétienne ». On trouve des aphorismes et des développements où existe l’idée de démonstration « rationnelle ». La Vérité n’est pas unique et il n’existe pas de certitude. La vérité peut même se nier elle-même.
« Tous errent d’autant plus dangereusement qu’ils suivent chacun une vérité ». Nietzsche qui éprouvait une attirance et une répulsion pour Pascal aura une position similaire sur la Vérité, même s’il exprimait son dégoût pour l’apologie pascalienne de l’homme misérable. Rien n’est vrai, rien n’est certain.
L’homme ne peut comprendre ni lui-même, ni autrui. On retrouve Saint Augustin « Nesquio quid, ego ipse sum » « On n’aime personne que pour des qualités empruntées ».
Pour Pascal, Descartes est « inutile et incertain ». Le philosophe janséniste sort de la démarche philosophique platonicienne à la recherche de « La Vérité ». Les vérités, comme plus tard chez Foucault, sont multiples et parfois contraires.
Dans « Les Pensées », Pascal revient sans cesse sur la condition humaine. « En un sens, l’homme connaît qu’il est misérable puisqu’il l’est mais il est bien grand puisqu’il le connaît » (Pensée 112).
« Toute notre dignité consiste en la pensée ».
L’auto-flagellation permanente, la culpabilité que s’impose l’Occident n’est-elle pas qu’un bégaiement de cette forme de pensée chrétienne comme par exemple le propos très pascalien : « La France est grande à reconnaître ses fautes passées ».
Au final, les réflexions de Pascal sur l’existence en feront un pré-existentialiste avant le très chrétien aussi mais venant du Nord, Kierkegaard.
Patrice GROS-SUAUDEAU
Maastricht : l’héritage désastreux de François Mitterrand.
Un cliché entretenu parla gauche et même au delà est que F. Mitterrand était un fin politique. Il faut reconnaître que pour se faire élire, réélire et durer, il a été un roublard hors pair.
En revanche sa vision géopolitique sur l’Europe a été catastrophique. Il a pensé, ceci étant lié à une peur sénile de l’Allemagne que la construction européenne et l’euro allaient asphyxier l’identité allemande et sa capacité d’agir selon ses propres intérêts. On a connu en France durant cette période un véritable délire européiste avec des slogans du genre :
« L’Europe levier d’Archimède de la France »
« L’Europe : la France en plus grand ! »
« L’Europe : un démultiplicateur de puissance »
Les slogans franco français ridicules font sourire à présent puisqu’ils peuvent s’appliquer maintenant de façon quasi absolue à l’Allemagne. Les industries françaises et italiennes ont été laminées par l’euro.
L’Allemagne a utilisé la construction européenne et sa monnaie unique l’euro pour dominer et diriger l’Europe. La France quant à elle n’est devenue qu’un membre parmi vingt-huit.
D’ailleurs, l’Allemagne tout en dominant l’Europe a une stratégie mondiale pour son économie qui fait fi de l’Europe.
On a aussi beaucoup argumenté sur la paix en Europe qu’aurait créée l’Union européenne. Or l’Union européenne a pratiqué une politique impérialiste en voulant ajouter des pays de l’Est les uns après les autres. Son impérialisme vis à vis de l’Ukraine a même déclenché un début de guerre civile en piétinant les intérêts de la Russie et les désirs des habitants pro-Russes de ce pays.
On peut aussi constater que les rêveries de certains hommes politiques sur l’Europe continuent. Leurs arguments relèvent de la méthode Coué. Lorsqu’on implore comme des danses pour faire pleuvoir qu’il faut faire baisser l’euro, l’Allemagne torpille immédiatement ce projet comme de toute initiative les dérangeant. Dans le concert des nations de l’Union européenne, Paris supplie, Berlin ordonne.
Patrice Gros-Suaudeau
La mémoire et l’oubli
S’il est difficile de donner une définition de la mémoire, il est plus facile de la cataloguer en une multiplicité de variétés.
Il y a la mémoire sensorielle, celle qui vient de nos sens. On a aussi distingué la mémoire à court terme et celle à long terme, sans parler de la mémoire implicite qui ne fait pas intervenir la conscience à la différence de la mémoire explicite.
La mémoire déclarative peut être exprimée par le langage ; elle s’oppose donc à la mémoire non déclarative.
On a aussi différencié la mémoire sémantique qui regroupe les connaissances générales et la mémoire épisodique qui concerne notre vie personnelle. La mémoire procédurale est celle que l’on a emmagasinée pour par exemple savoir conduire. Certains ont une mémoire auditive plutôt qu’une mémoire visuelle.
En neurosciences, la mémoire consiste en un stockage d’informations.
En philosophie, on définit selon Lalande la mémoire comme « une fonction psychique consistant dans la reproduction d’un état de conscience passé avec ce caractère qu’il est reconnu pour tel par le sujet ». Cette définition assimile la mémoire au souvenir.
Le mémoire est donc la fonction du passé.
« Le propre de la mémoire est d’apporter dans notre expérience le sens du passé » (G. Gusdorf)
Bergson
Le philosophe distingue la mémoire-habitude et le souvenir. La mémoire-habitude regrouperait la mémoire sensorielle et la mémoire procédurale. Bergson donne l’exemple de la leçon apprise par cœur : « Le souvenir de la leçon, en tant qu’apprise par cœur, a tous les caractères d’une habitude. Comme l’habitude, il s’acquiert par la répétition d’un même effort ». (Bergson, Matière et mémoire).
La mémoire-souvenir est différente. Le passé renait à la différence de la mémoire-habitude qui est aussi celle de l’animal. La mémoire-souvenir est une conscience du passé.
« L’autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous les états au fur et à mesure qu’ils se produisent, laissant chaque fait à sa place et par conséquent marquant sa date ». (Bergson).
Pour Bergson, la mémoire-habitude est matérielle et la mémoire-souvenir spirituelle. Cette interprétation est remise en cause par la neurophysiologie.
Fonctions de la mémoire
La mémoire a aussi une fonction sociale car se souvenir, c’est partager. Dans les commémorations, les anciens combattants partagent leur passé.
Il y a des mémoires collectives ainsi que des mémoires familiales.
Si pour Pradines : « La mémoire est une reconstruction du passé par l’intelligence », pour Rivarol « La mémoire est toujours aux ordres du cœur ». On se souvient en fonction des ses affects.
La mémoire unifie la personne, son vécu. Elle construit aussi notre personnalité, notre moi. Pour Sartre, « Nous sommes nos actes ». La mémoire a pour fonction de pérenniser nos vécus ou nos actes passés.
L’oubli
L’oubli est nécessaire pour la vie. Il faut trier dans notre passé. Selon Gusdorf, l’oubli est une condition d’existence. La conservation de la totalité du passé, ce qu’on appelle la mémoire absolue, est non seulement impossible, mais serait nuisible.
La passé peut même être une souffrance.
« Une bonne journée est celle où le passé s’est tenu à peu près tranquille ». (Jean Rostand).
La mémoire nous attache au passé.
« Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister sans la faculté d’oubli ». (Nietzsche, Généalogie de la morale).
Oublier c’est pardonner, et parfois à soi-même.
« C’est moi qui ai fait cela, dit ma mémoire. Il est impossible que je l’aie fait, dit mon orgueil. Finalement, c ‘est la mémoire qui cède ». (Nietzsche).
On retrouve chez Freud l’idée du refoulement qui rejette hors de la conscience tout ce qui est insupportable. On oublie tout ce qui nous est nuisible. On retient ce qui nous est utile.
La mémoire est donc la condition inhérente à la constitution de soi comme l’avait déjà souligné Saint Augustin. Si l’oubli est nécessaire pour nous maintenir en vie, les souvenirs douloureux ou nuisibles restent stockés dans l’inconscient. Nous devenons la somme de nos traumatismes, de nos vécus-et de nos connaissances, la mémoire étant là pour unifier notre existence.
Patrice GROS-SUAUDEAU
Le jugement
Juger revient à établir un rapport entre deux notions. On peut par exemple juger les autres, ce qui peut paraître insupportable pour certains : « Un tel est un minable », « Telle femme est belle ou laide », « Un tel est un psychopathe ».
Dans tout jugement il y a une part de création de vérité, d’affirmation de soi, d’engagement, ce qui peut s’opposer à l’humilité judéo-chrétienne : « Qui suis-je pour juger ? » (Pape François). On ne juge pas uniquement les autres, mais aussi tout objet, tout acte. En plus des jugements de valeurs et de faits (« le toit est gris »), existent les jugements de goûts (« telle œuvre est belle ou réussie »). Juger est en fin de compte lié à l’activité de penser. Penser, c’est juger. Penser est aussi dominer, car juger est aussi s’approprier le monde ou les autres.
Kant
Dans la critique du jugement (Urteil) Kant analyse le terme. En logique, tout énoncé relie deux concepts : le sujet et le prédicat. « Le mur est blanc » (S est P). Ce jugement peut être vrai ou faux. La critique du jugement analyse la raison en tant qu’elle a la faculté de porter des jugements.
Dès que nous parlons nous jugeons. Le philosophe distingue les jugements analytiques et les jugements synthétiques.
Il y a aussi les jugements a priori nécessaires et universels. Ils ne viennent pas de l’expérience. Ils conditionnent notre pensée comme les énoncés mathématiques. Les jugements empiriques viennent de l’expérience « la mer est bleue ».
Un jugement est analytique lorsque le prédicat ne fait que dire ce qui est déjà dans sujet (« les corps sont étendus »). Dans la notion de corps se trouve déjà l’étendue.
Dans le jugement synthétique, le prédicat ajoute quelque chose au sujet (« les corps sont pesants »).
Pour Kant seuls les jugements synthétiques a priori sont « scientifiques ». Ils nous apprennent quelque chose tout en étant nécessaires et universels.
Le philosophe dans « Critique de la raison pure » se pose la question : comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? Il verra dans le sujet les formes a priori qui constituent l’objet.
Les deux sources de la connaissance sont la sensibilité par laquelle les impressions sont reçues et l’entendement qui permet de les penser. Sans résumer ici la critique de la raison pure, l’espace et le temps sont les formes a priori de la sensibilité.
La sensibilité est passive, l’entendement est une fonction active.
Les formes a priori de la pensée sont appelées par Kant catégories de l’entendement. La catégorie capitale est celle de la causalité. Elle est a priori et ne provient pas de l’habitude à la différence de Hume. Les catégories a priori viendraient sans qu’il le dise de la structure de notre cerveau.
Descartes – Spinoza
Pour Descartes, le jugement est l’expression de ma liberté. C’est décider en face de l’existant en engageant sa responsabilité. Juger est prendre parti dans un monde qui peut sembler sans signification.
Spinoza qui a critiqué l’idée de la liberté ne voit bien sûr dans le jugement aucun acte libre. Si j’ai l’idée d’un triangle et que je vois une forme géométrique qui a l’aspect d’un triangle, comment pourrais-je juger autrement ?
« Nul, ayant une idée vraie, n ‘ignore que l’idée vraie enveloppe la plus haute certitude ; avoir une idée vraie, en effet ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible ; et certes, personne ne peut en douter, à moins de croire que l’idée est quelque chose de muet comme une peinture sur un panneau et non un mode de penser, savoir l’acte même de connaître ». (Spinoza – Ethique)
L’erreur n’est qu’une connaissance mutilée et imparfaite pour Spinoza, à la différence de Descartes pour qui l’erreur nait d’un acte de volonté. On accorde son assentiment alors qu’il n’y a pas lieu de la donner à une idée confuse. À la différence de Descartes, Spinoza ne voit pas l’engagement du sujet dans le jugement.
Jugement et croyance
Saint Augustin avait déjà remarqué que la foi n’est pas limitée au religieux. Toute connaissance est aussi une croyance. Dans toute connaissance, il y a un pari, comme dans le pari de Pascal sur la foi.
« Savoir, c ‘est toujours engager le sujet dans l’objet, risquer une hypothèse, une idée dans les faits et y croire d’autant plus qu’elle explique davantage. Toute connaissance est un mixte de science et de foi, une croyance : croire est le propre de l’homme » (Jean Lacroix).
« J’ai donc du supprimer le savoir pour y substituer la croyance » (Kant, Critique de la raison pure).
L’acte de juger ne se limite pas au monde des idées. Juger est un acte social qui agit sur les êtres. Le psychiatre qui jugeant qu’un tel est fou, quels que soient les termes techniques à sa disposition, décide l’enfermement. Le juge au tribunal déclare un tel « coupable » ou « irresponsable ». Tel jugement sur une œuvre peut faire la gloire ou la ruine d’un artiste. L’homme politique juge parfois l’adversaire ou même l’ennemi. « Le Front National est le mal absolu » (Pierre Mauroy). Quelle métaphysique de la politique !
Juger établit des relations entre les représentations, mais parfois à quel prix et avec quelle violence ? Le jugement des hommes avec ses effets autoréalisateurs peut parfois à juste titre faire peur.
Patrice GROS-SUAUDEAU
Laurent Fabius un « caniche » des États-Unis
Tout le monde se souvient de l’époque où Laurent Fabius qualifiait Nicolas Sarkozy de « caniche » des États-Unis, ce qui n’était pas totalement faux. Il se retrouve maintenant dans la même position à défendre contre les Russes les intérêts des États-Unis et d’Obama qui dans son idéologie obsessionnelle de revanche raciale partagée par des blancs culpabilisés en est à décorer ceux issus des minorités raciales. Empêcher la vente des bateaux commandés par la Russie est d’une stupidité sans nom. Les intérêts de la France et des États-Unis ne se superposent pas, d’autant plus qu’il y a beaucoup à dire sur l’affaire ukrainienne. Les manifestations anti-russes n’ont fait que braquer les pro-russes. De plus le maintien des frontières sans consentement des peuples n’est guère défendable. On a eu l’exemple de l’Algérie, du Kosovo, et bientôt le référendum écossais, ainsi que de Mayotte. De plus la Russie est fondamentalement une puissance européenne et chrétienne. quelle prétention pour un Occident avachi représenté par BHL de dénigrer la Russie comme le mal !
À propos de Sarkozy (mal rasé pour faire plus homme) qui se dépêtre dans ses affaire avec son cynisme habituel, on retrouve chez Valls les mêmes caractéristiques : physique limité parcours scolaire et intellectuel plutôt médiocre, tout cela étant compensé par une psychologie de « trouduc ». L’affaire Dieudonné a permis à Valls (naturalisé français en 1982) de faire le fier à bras devant sa femme.
Sans imagination, il passe son temps à bêler à tout moment et à tout propos : « valeurs de la république ». Tout cela ne fait pas baisser le chômage. Quant à Jean-Marc Ayrault, licencié en Allemand, dans le monde du travail cela aurait fait tout au plus une secrétaire bilingue. La démocratie vous propulse premier ministre à gouverner la France. La gauche au pouvoir dans le fond ne suscite que l’ennui et l’impuissance n’étant maître de rien en économie comme dans le reste sous l’effet de la mondialisation et de la construction européenne. Les gesticulations sur la Russie ne changeront rien.
Patrice Gros-Suaudeau